Contexte

 

Lorsque nous parlons de sport et de santé bucco-dentaire, nous pensons en premier aux sports de combat ou de contact et à la nécessité du port d’un protège-dent. Outre les risques de traumatismes, les sportifs sont également plus exposés aux risques parodontaux et aux risques carieux. C’est ce qu’a montré une étude publiée dans le British Dental Journal en 2019 : une grande part des sportifs de haut niveau seraient concernés par des inflammations de gencives et par des caries1. Alors qu’ils ont globalement une bonne hygiène bucco-dentaire : ils déclarent être non-fumeurs, avoir un régime alimentaire sain, des rendez-vous réguliers chez leur dentiste, se brosser les dents au moins 2 fois par jour (94 % d’entre eux) et même utiliser souvent le fil dentaire (44 % d’entre eux).

 

Pour quelles raisons les sportifs de haut niveau sont-ils à risque de mauvaise santé bucco-dentaire et comment pouvons-nous limiter ce risque ?

 

 

  1. L’alimentation du sportif

 

Un sportif a des besoins énergétiques conséquents. Pour les assurer, il prend 3 repas principaux par jour et des collations avant, pendant et après l’effort. Les sportifs consomment souvent des barres, des gels ou encore des boissons énergétiques, contenant des sucres fermentescibles et des additifs. Le microbiote buccal du sportif peut ainsi se trouver perturbé par la présence importante de bactéries pathogènes, comme Porphyromonas gingivalis, Streptococcus mutans et Aggregatibacter actinomycetemcomitans. Ce régime alimentaire provoque une diminution du pH buccal et expose la bouche à des risques de caries, d’érosion dentaire et de maladies parodontales.

 

Il existe des gestes simples de prévention. L’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire (UFSBD) recommande de boire un verre d’eau ou de se rincer la bouche avec de l’eau après chaque prise alimentaire, ou de mâcher un chewing-gum sans sucres pour stimuler la production de salive. Afin de limiter le risque dentaire, les boissons énergétiques peuvent être bues avec une paille.

 

 

  1. La salive

 

Une sécheresse buccale peut apparaître chez les sportifs. Plusieurs causes sont possibles : les sports générant un flux d’air important, comme le cyclisme ou la course à pied, le stress induit par la compétition, la perte hydrique faisant suite à l’effort ou encore la respiration buccale. La salive a un effet tampon grâce aux bicarbonates qu’elle contient, et permet de faire diminuer le pH buccal. Les minéraux qui la composent protègent l’émail de la déminéralisation. En cas de sécheresse buccale, les risques de caries, d’érosion dentaire et maladies parodontales sont augmentés.

 

 

  1. Conséquences des problèmes bucco-dentaires sur les sportifs

 

Deux études ont été menées à l'Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance (INSEP). La première a été faite en 1981 sur 212 sportifs de haut niveau2. Au moins l’une de leurs contre-performances était associée à un problème bucco-dentaire pour 14,6 % d’entre eux. La seconde étude est une étude épidémiologique de 2018 qui a inclus 100 athlètes de haut niveau3. 18 % d’entre eux ont déclaré que des problèmes bucco-dentaires avaient impacté leur entraînement ou leurs performances en compétition.

 

Selon une étude publiée en 2018 qui a porté sur 352 athlètes de haut niveau, 49,1 % d’entre eux avaient des caries et 77 % avaient des saignements gingivaux au sondage4.

 

Les infections et inflammations d'origine bucco-dentaire, telles que les caries profondes et les maladies parodontales, peuvent avoir des conséquences systémiques : sur le métabolisme, le cœur, les reins ou encore les yeux. A distance, elles se manifestent par des pathologies inflammatoires. Cela s’explique par la circulation des médiateurs inflammatoires de la cavité buccale vers les lésions musculaires ou tendineuses, qui maintiennent voire aggravent l’état inflammatoire si l’inflammation bucco-dentaire persiste. La cicatrisation est elle aussi impactée. Elle peut être simplement retardée, ou défaillante et entraîner des récidives de la lésion initiale.

 

Les infections et inflammations d'origine bucco-dentaire augmentent aussi le risque de blessures articulaires, musculaires et tendineuses. La présence de foyers infectieux peut entretenir une inflammation chronique, perturbant la guérison des tissus lésés et pouvant expliquer la persistance ou la récidive de certaines pathologies musculosquelettiques, telles que les tendinopathies, les pubalgies ou encore les syndromes fémoro-patellaires. Les tendinopathies qui guérissent lentement ou qui récidivent doivent faire penser à l’existence d’un problème bucco-dentaire.

 

Les dents exercent une influence sur le système tonique postural, tout comme les troubles temporo-mandibulaires. Dès lors que le centre de gravité de la mâchoire est dévié, l’athlète est plus à risque de contractures, tendinites et autres pathologies musculosquelettiques inflammatoires. Par exemple, les appuis podaux, le centre de gravité et la puissance musculaire peuvent être impactés par une malocclusion dentaire. Une rééquilibration de l’occlusion dentaire et le port d’une gouttière occlusale peuvent être indiqués pour améliorer l’équilibre du sportif. De plus, les risques traumatiques sont plus importants pour certaines dents mal positionnées.

 

 

  1. Les traumatismes

 

Les sportifs sont exposés à des risques traumatiques accrus, notamment en raison de contacts physiques ou de chocs lors de la pratique sportive. Une revue de 2007 a mis en évidence que 10 à 61 % des sportifs selon les études rencontrent un traumatisme dentaire au cours de leur pratique sportive5. Les sportifs amateurs seraient plus à risque de se blesser que les sportifs de haut niveau. Les traumatismes peuvent causer des lésions osseuses, des tissus mous, de l’articulation temporo-mandibulaire, jusqu’à l’expulsion dentaire, qui est une urgence clinique absolue.

 

La prévention de ces traumatismes passe par l'utilisation de protège-dent, pour atténuer les effets des impacts et préserver l'intégrité des structures bucco-dentaires. Son port est recommandé même si le sportif est déjà équipé d’un casque ou d’un écran facial contre les chocs et les traumatismes crâniens. L’utilisation d’un protège-dent sur mesure, conçu par son chirurgien-dentiste, est conseillée par la Fédération Dentaire Internationale (FDI) lors de toute pratique d’un sport de combat ou de contact.

 

 

Conclusion

 

Tous ces éléments mettent en lumière l'importance de la santé bucco-dentaire chez les sportifs de haut niveau. Malgré une hygiène bucco-dentaire généralement bonne, cette population présente un risque accru de pathologies parodontales et carieuses, en partie dû à leur régime alimentaire spécifique et à des conditions physiologiques particulières liées à la pratique sportive.

 

Il est essentiel que nous, en tant que chirurgiens-dentistes, sensibilisions nos patients sportifs aux risques spécifiques qu'ils encourent et aux mesures de prévention adaptées. Cela inclut la gestion de leur alimentation et de leur environnement buccal, leur suivi bucco-dentaire et le port d’un protège-dent en cas de pratique de sports de combat ou de contact.

 

Nous devons également être vigilants quant aux conséquences systémiques des problèmes bucco-dentaires, qui peuvent impacter non seulement la santé générale, mais aussi la performance sportive de l'athlète. Les infections et inflammations bucco-dentaires peuvent induire ou entretenir des états inflammatoires à distance et perturber la guérison des lésions musculosquelettiques.

 

En tant que professionnels de la santé bucco-dentaire, nous avons un rôle clé à jouer dans l'éducation et la prévention, ainsi que dans la prise en charge spécifique des sportifs pour préserver leur santé bucco-dentaire et leur permettre de maintenir une performance optimale.

Pour en savoir plus

 

https://www.ufsbd.fr/wp-content/uploads/2024/03/OBJ_PREV_SPORT_vf-180324.pdf

 

 

 

Références :

  1. Gallagher, J., Ashley, P., Petrie, A. & Needleman, I. Oral health-related behaviours reported by elite and professional athletes. Br. Dent. J. 227, 276–280 (2019).
  2. Dr Payen. Étude épidémiologique, évaluation de la santé bucco-dentaire de 212 athlètes de haut niveau à l’INSEP. (1981).
  3. Barloy, E. Évaluation de la santé bucco-dentaire et de la condition physique des sportifs de haut niveau à propos d’une étude épidémiologique réalisée à l’INSEP. (2018).
  4. Gallagher, J., Ashley, P., Petrie, A. & Needleman, I. Oral health and performance impacts in elite and professional athletes. Community Dent. Oral Epidemiol. 46, 563–568 (2018).
  5. Knapik, J. J. et al. Mouthguards in sport activities : history, physical properties and injury prevention effectiveness. Sports Med. Auckl. NZ 37, 117–144 (2007).

 

 

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